Le château des Allymes, la tour ronde et la salle d’armes

Ain, France

Le château des Allymes surplombe la plaine de l’Ain et reste emblématique du rattachement de l’Ain au royaume de France en 1601, au temps d’Henri IV. Sa construction, vers 1310 par Jean II, dauphin de Viennois, est une réponse à la construction de la bâtie de Luisandre par le comte de Savoie. Le château des Allymes, avec ses deux tours reliées par des courtines, représente le type du château médiéval en pierre. Depuis 2015, la visite s’est enrichie d’une salle d’armes mettant en avant armes d’hast ou encore arbalètes, représentatives de la période moyenâgeuse.

La salle haute de la tour ronde

La période de construction de la tour ronde du château ne nous est pas connue par les textes. Mais tout porte à croire que celle-ci n’intervient que bien après la fin de la guerre delphino-savoyarde (Traité de Paris, 5 janvier 1355). Dès 1354, le compte de Savoie remet la bâtie des Allymes au sieur Nicod François. Dès lors, on peut imaginer que les tenants du fief, les François des Allymes, ont eu à cœur de faire oublier la modeste bâtie originelle pour la transformer autant que possible en « vrai » château…

Comment y parvenir ? En rompant, au niveau de la haute cour, avec le schéma habituel des bâties dauphinoises ou savoyardes. Soit essentiellement une tour carrée dominant quatre courtines, au pied desquelles s’élevaient différents bâtiments (de bois pour l’essentiel). Dans ce contexte, la construction d’une deuxième tour, ronde qui plus est, constitue un changement majeur.

Une tour ronde offre au moins deux avantages défensifs par rapport à une tour carrée. Les défenseurs d’une tour carrée, en effet, sont limités dans leur vision des assaillants du château par la structure de la tour, c’est le problème des angles morts. Avec une tour ronde ce problème disparaît et la défense du château en est facilitée. D’autre part, ce type de construction est plus solide, et résiste nettement mieux aux boulets des catapultes qu’une tour carrée.

Notons enfin que la construction d’une tour ronde est plus longue et coûteuse que celle d’une tour carrée. Mais en cela, l’entreprise s’inscrit bien dans la démarche des François des Allymes, tout entière vouée à l’ostentation.

La garnison

De sa fondation 1306 à 1335, la bâtie dauphinoise des Allymes se situe en zone de guerre, à moins d’un kilomètre de la bâtie de Luisandre, construite et tenue par les Savoyards dès 1305. Les deux comtés se livrent un conflit meurtrier entre 1140 et 1355, guerre qui connaît sa plus forte intensité entre 1282 et 1335.

La comptabilité dauphinoise est peu précise quant à la composition de la garnison, celle-ci est constituée de quelques hommes permanents, renforcée par des soldats désignés sous différents noms (Bérruriers en Dauphiné, Clients en Savoie) et souvent payés sur les comptes d’autres châtellenies. Cette petite garnison est renforcée par les paysans vivant dans la basse-cour.

Le seul homme dont les comptes nous parlent véritablement est le châtelain, commandant de la place : sept châtelains dauphinois se succèdent ainsi à la tête des Allymes, dont l’avant-dernier mourut en défendant la forteresse (1332). Le traité de paix de 1334 (signé à Chapareillan) décide finalement d’un échange de forteresses entre Savoie et Dauphiné, et plus précisément entre Saint-Martin-du-Frêne et les Allymes.

Mais ce n’est qu’en 1335 que l’échange devient effectif : la garnison dauphinoise de la bâtie des Allymes étant remplacée par une garnison savoyarde, alors qu’au château de Saint-Martin-du-Frêne, la troupe savoyarde cède la place à des soldats dauphinois.

La guerre s’éloigne alors de l’horizon immédiat des Allymes, la bâtie redevient une dépendance du château de Saint-Germain dirigée par un simple lieutenant, secondé par un ou deux soldats, comme la plupart des forteresses d’alors situées en dehors des zones de conflits. Ces lieutenants-châtelains sont souvent issus de la petite noblesse, voire de simples soldats sortis du rang.

 
Sceau du dauphin Jean II de la Tour du Pin, fils d’Humbert Ier, dauphin de Viennois et seigneur de la Tour du Pin, et d’Anne d’Albon, dauphine de Viennois.

Sceau du dauphin Jean II de la Tour du Pin

Lorsque le château est remis en fief au sieur Nicod François en 1354, la garnison diminue au profit d’un guetteur ou d’un portier, chargé de tenir le château et de représenter le seigneur dans les fonctions de justice. Quelques clients peuvent s’y rattacher dans le cadre de l’ost (armée féodale), par le service des « lances » (suite armée d’un seigneur, constituée toujours d’un cavalier lourd et de quelques soldats, tous à cheval).

Toutefois, selon les termes de la inféodation, le fief est dit « rendable », ce qui signifie que le comte de Savoie peut reprendre en main la forteresse, et y replacer une garnison plus conséquente en cas de besoin. Ce sera le cas entre 1362 et 1364, lors des menaces de pillage des « tard-venus », mercenaires laissés sans emploi par le traité de Brétigny, l’une des nombreuses trêves de la guerre de Cent Ans.

Infos pratiques

  • Ouvert les après-midis, jours selon période de l’année
  • Tarif : 5 €
  • Visites guidées possibles
  • Nombreuses balades autour du château

Galerie Photos

Le mur d’enceinte

Le mur d'enceinte de la citadelle que constituait le château

La tour ronde

Le château a été classé Monument Historique en 1960

Armure en cotte de maille

Une armure en cotte de maille

Chemin menant au château des Allymes

Chemin menant au château des Allymes

Dans son « chant », intitulé Retraite en la terre des Allymes, Claude Le Jeune utilise la course des saisons sur les domaines du château des Allymes pour souligner la fuite du temps qui passe et les hommes avec… et sa vie avec !

Les armes de jets à balancier

Dans l’Antiquité, les catapultes gréco-romaines sont actionnées par un système de ressort ou de tension semblable à celui des arbalètes. Cette technologie peu adaptée au climat européen occidental est délaissée durant le haut Moyen-Âge au profit d’engins à balancier rudimentaires peu connus, adaptés à des fortifications alors sommaires.

Durant les croisades, au contact des Byzantins et des Arabes, les Occidentaux enrichissent considérablement leurs connaissances dans le domaine de la fortification et de la balistique. Après une phase d’amélioration technique, les Occidentaux innovent en particulier pour les armes de jet à balancier reposant sur le principe majeur de la fronde à contrepoids. Ces techniques sont dominantes pour les armes de jet de toutes dimensions, pendant près de quatre siècles.

Par leur complexité, les sièges demandent une grande organisation, et nécessitent de fortes sommes d’argent. Des engins de grandes tailles sont acheminés en pièces détachées, pour être assemblés sur place. Parmi ceux-ci, les trébuchets sont pourvus de contrepoids articulés (un ou deux, selon les modèles), et peuvent envoyer de lourds boulets (de 60 à 150 kg) sur une distance de 200 mètres. Pour ouvrir une brèche dans l’épaisse muraille d’un château, les boulets doivent heurter un même point d’impact à plusieurs reprises, avant de voir la maçonnerie commencer à se défaire.

Les sources écrites du château des Allymes restent lacunaires. La présence d’un engin de défense du type « bricole » n’est pas documentée, mais les trouvailles de nombreux boulets de pierre, tous calibrés à 13 kg, semblent confirmer la présence de cet engin.

Le mot « bricole » est d’origine germanique, tout comme les verbes broyer ou ébrécher avec lesquels ils partagent une même étymologie, rattachant ces mots à l’allemand moderne « brechen » signifiant « briser ». Cet engin à balancier rudimentaire est actionné par une équipe d’environ quatre à six hommes pour le contrepoids, et d’un pour la poche. Cette arme, délaissée depuis longtemps, connaît pourtant une postérité toujours vivace dans la langue française d’aujourd’hui, comme synonyme de « souci » : la bricole, à n’en pas douter, doit en causer à ceux qui se trouvent à sa portée !

Les responsables des engins, les « engeigneurs », sont désignés comme « maîtres des engins » dans la comptabilité savoyarde. Jean de Longecombe en occupe la charge pour le bailliage du Bugey en 1326. Quant à l’artilleur Peronnet de Buenc, il est chargé des espingales (balistes) de la forteresse de Luisandre vers 1323. Les engins, situés au sommet des tours, ont une durée de vie limitée. Ils sont souvent démontés et changés en période de trêve.

Les armes d’hast

Si l’épée, le cheval et l’armure font partie des éléments indispensables de tout chevalier, le simple fantassin est nettement moins bien équipé. Un casque ouvert avec une tunique de cuir forment l’essentiel de l’équipement défensif. Quant aux armes offensives, elles comprennent les armes d’hast, qui y tiennent une place de choix.

Le mot latin « hasta » désigne un type de lance utilisée par les légionnaires romains. Sous l’expression « arme d’hast », on désigne aujourd’hui toute arme blanche munie d’une hampe. Ces armes permettent de tenir un cavalier à distance grâce à un long manche pourvu d’une lame métallique aux formes très variées.

Les lances sont souvent utilisés, mais des outils agricoles comme les faux ou les croissants (appelés « goy » ou « goyarde » dans la région), équipent les hommes au prix de quelques transformations. Ces armes, par la forme de leurs fers, permettent au besoin de trancher ou de planter, en s’attaquant bien souvent au cheval de l’adversaire, afin de le désarçonner. Une fois le chevalier mis à terre, l’objectif n’est pas forcément de le tuer, mais plutôt de le capturer, afin d’en obtenir rançon.

Le XIVe siècle voit la revanche des piétons sur les cavaliers, et le retour à un modèle offensif où l’infanterie tient une place centrale. Les armées communales des villes des Pays-Bas et les armées rurales des cantons suisses sont à l’origine de ce retournement. Ces armées de fantassins sont équipées massivement d’armes d’hast et de piques longues. La hallebarde et le vouge sont nés à cette époque, se répandant dans toute l’Europe. Les succès militaires des Suisses lors des guerres de Bourgogne (fin du XVe siècle) leur donnent toutefois une trop grande confiance dans leurs pelotons de piquiers et de hallebardiers. Leur système connaîtra une grande défaillance à la bataille de Marignan, face à l’artillerie française.

Le XVIe siècle voit une plus grande intégration des armes à feu et des piquiers dans les tactiques militaires. Les armes d’hast se maintiennent jusqu’au XVIIIe siècle pour les forces de police urbaine, ou comme armes de sous-officiers.

De nos jours, la plupart des armes d’hast présentées dans les collections ouvertes au public datent de la Renaissance ou de l’époque moderne. Le château des Allymes a souhaité présenter des reconstitutions d’armes plutôt caractéristiques du XIVe siècle, les pièces d’époque originales étant aujourd’hui rarissimes.

Les arbalètes

Le terme d’arbalète vient du mot latin arcubalista, littéralement « arc-baliste ». Cette arme est développée par les Grecs comme par les Chinois, dès l’Antiquité. En usage chez les Romains, elle est oubliée en Occident, puis redécouverte et employée massivement à partir du XIe siècle.

Si l’arbalète est relativement chère, elle permet toutefois une défense aisée par sa grande facilité de prise en main. L’arbalète reste l’arme de défense idéale pour la garnison limitée d’un château, mettant fin, entre autres, aux existences de Richard Cœur de Lion, ou du dauphin Guigues VIII.

La facilité déconcertante avec laquelle le vilain peut ainsi mettre fin à la vie d’un chevalier valut à cette arme redoutable d’être interdite par l’Église (deuxième concile de Latran en 1139), mais cet anathème (interdiction papale) ne se concrétise toutefois jamais. En effet, 88 % des traits métalliques retrouvés par les archéologues aux abords des châteaux français sont des carreaux d’arbalètes.

Le nom de carreaux donné à ces projectiles vient de la forme de leur fer, généralement pourvu de quatre faces. L’expression utilisée aujourd’hui de « se tenir à carreau » signifie concrètement pour l’assaillant de se tenir hors de portée d’arbalète.

L’arme connaît de nombreuses améliorations et variantes au cours des siècles, au fur et à mesure des avancées techniques. Les archives comptables savoyardes témoignent de ses variétés, citant des arbalètes à un ou deux pieds (correspondant au nombre de pieds mis à l’étrier pour tendre l’arme), aux arcs en bois, corde, ou métal.

Leur fabrication est un privilège d’État dans le comté de Savoie et les arbalètes sont ainsi marquées de l’écu savoyard. Le château de Pont-d’Ain abrite alors un atelier très productif. Les soldats reçoivent les traits en pièces détachées et procèdent à l’assemblage sur place.

Les comptes dauphinois nous apprennent ainsi qu’en 1324, le châtelain des Allymes dépense 18 sous d’argent, pour l’achat des 200 carreaux d’arbalètes pour la défense de la place. L’abandon de l’arbalète, au cours du XVIe siècle, semble surtout dû à son coût prohibitif face aux armes à feux de l’époque, dont le temps de chargement et la portée sont assez semblables.

Le pavois d’arbalétrier

À la fin du Moyen-Âge, les arbalétriers en campagne disposent d’un large bouclier permettant de les abriter au moment du rechargement de leur arme, désignée sous le terme de pavois. Ce bouclier est formé d’une armature de lattes en bois léger assemblés par collage.

Chaque face du bouclier est recouverte d’une peau de cheval, d’âne ou de daim marouflée (appliquée avec une colle forte nommée maroufle), et imperméabilisée à l’aide d’une couche de peinture ou de vernis. Certains de ces pavois sont pourvus d’une gouttière centrale, à partir de la seconde moitié du XIVe siècle, destinée à loger un pieu permettant de ficher le bouclier en terre. Le caractère ondulé de la structure permet également de renforcer la solidité du pavois.

Ces pavois peuvent être ornés d’insignes héraldiques ou de figures de saints protecteurs, comme Saint Maurice portant un équipement typique de la moitié du XIVe siècle, arborant la croix trèflée et dite de Saint-Maurice, croix que l’on retrouve sur les armoiries actuelles de Bourg-en-Bresse et du département de l’Ain.

 
Croix tréflée blanche de l’ordre de Saint-Maurice créé en 1434 par Amédée VIII, premier duc de Savoie

Croix tréflée blanche de l'ordre de Saint-Maurice

Le saint arbore également un drapeau portant l’aigle bicéphale du Saint-Empire romain (dit « Germanique », à partir de la seconde moitié du XVe siècle).

Maurice aurait vécu au début du IVe siècle, époque des dernières grandes persécutions des chrétiens par l’Empire romain. Maurice était alors un officier romain dirigeant la légion thébaine qui, selon la tradition, aurait été constituée massivement de soldats chrétiens. Cette légion aurait refusé de massacrer les chrétiens du Valais, ce qui leur valut de subir de la part de l’empereur Dioclétien la peine de la décimation (un soldat sur dix exécuté).

Ces soldats sont sanctifiés par l’Église, devenant des martyrs vénérés dans toutes les Alpes, et au-delà. De soldat exécuté par l’Empire romain encore païen, Maurice devient le protecteur officiel du Saint-Empire romain médiéval, dont les états de Savoie font partie intégrante.

Le saint et sa légion sont originaires de Thèbes en Égypte, il peut donc être représenté sous les traits d’un Africain noir en Allemagne, alors qu’on le représente plutôt blanc dans nos régions. L’artisan a toutefois voulu rappeler son origine nord-africaine par ses traits physiques.

Où se situe le château des Allymes ?

Galerie Photos

La muraille du château

Le château des Allymes, forteresse médiévale du XIVe siècle

La salle d’armes

La salle d'armes

Armure en métal

Armure en métal d'un chevalier

Arbalètes dans la salle d’armes

Des arbalètes élaborées faisaient partie de l'équipement militaire médiéval

Blason du Dauphiné dans la salle d’armes

Des arbalètes sont présentées dans la salle d'armes

La tour ronde vue depuis l’extérieur du château

La tour massive, vue depuis l'extérieur

Peinture du château des Allymes sous la neige

Peinture représentant le château des Allymes en hiver, sous la neige

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